Calendrier terrestre, année 2024, planète Terre, dimension n°242.
Le bruit régulier des machines rythmait la pièce, leur bourdonnement froid résonnant dans l'air chargé de l’odeur propre d’un hôpital.
Des fenêtres accueillaient la lumière du soleil, réchauffant légèrement cette pièce peu accueillante.
C'était le seul son qui accompagnait les derniers moments de Gabriel, allongé dans ce lit d'hôpital qui se trouvait au centre de la pièce.
Ses paupières à demi fermées, sa respiration difficile et son corps épuisé par une longue bataille contre la maladie.
Il avait fini par s'habituer à la douce mélodie des machines et à cette solitude.
Mais il avait envie d’arrêter de se battre, n’ayant plus d’espoir dans cette vie.
Ses parents étaient morts dans un accident de voiture, percuté par un conducteur de camion ivre qui fêtait seul son anniversaire sur la route.
Ils étaient simplement partis au restaurant pour fêter leur 20ème anniversaire de mariage, qui aurait pu penser que ça allait être leur dernier anniversaire de mariage ?
C’était comme le ciel qui tombait sur lui et sa sœur.
Peu de temps après, il arrêta ses études et commença à travailler pour prendre soin de sa sœur et qu’elle ait, elle, un avenir.
Le temps passa, et malgré l’absence de leurs parents, la fraternité les faisait tenir debout.
Jamais auparavant, il ne s’était senti aussi proche de sa sœur.
Les deux savaient que durant le restant de leur jour, la seule personne qui sera toujours à ses côtés, c’était bien l’autre.
Ils avaient vendu la maison et commencé à louer un appartement pour faire des économies.
Cet appartement était idéalement situé par rapport à l'école de sa sœur, permettant à cette dernière de se lever plus tard qu’auparavant et de rentrer plus tôt à la maison.
Petit à petit, les deux retrouvèrent le sourire.
Jusqu’au jour où il reçut un appel.
L’appel qui fit s’effondrer son monde.
« Bonjour, vous êtes bien Gabriel Lefevre ? »
« Oui, qui est-ce ? »
« Nous sommes la police. Nous vous appelons pour dire que votre sœur est malheureusement décédée. Les concours de l’incident sont toujours en cours d’investigation. »
Sa sœur avait été tuée.
Tué par un homme, qui, n’acceptant pas les refus de sa sœur, la poignarda sauvagement sur le chemin du retour de l’école.
Plus tard, des examens furent effectués sur cet homme, et il s’avéra qu’il avait des problèmes mentaux mais qu’il était également le fils d’une famille riche et puissante.
Ainsi, il fut disculpé de toute poursuite judiciaire et simplement obligé d’être suivi régulièrement par un hôpital psychiatrique.
Un hôpital qui fut, peu de temps après l’incident, acheté par sa famille.
Lorsqu’il apprit cela, il était évidemment en colère et commença à préparer soigneusement sa vengeance.
De toute façon, il n’avait plus rien à perdre.
Jusqu'à ce qu'un jour, il fasse une crise cardiaque.
Par chance, cette crise cardiaque se déroula dans la rue, et grâce à la réactivité des passants, il fut rapidement envoyé à l’hôpital le plus proche.
Peu de temps après l’incident, un médecin entra dans sa chambre et lui annonça qu’il avait un cancer déjà développé à un stade avancé.
Son monde qui s’effondrait déjà, explosa complètement ce jour-là.
Gabriel eut envie de soupirer en repensant à tous ces événements tragiques qui se succédèrent les uns après les autres.
Mais avec son masque à oxygène et son manque de force, il ne pouvait même plus faire ce simple geste.
Gabriel ne s’était jamais imaginé finir ainsi.
Il avait toujours cru que, malgré la vie difficile qu’il avait menée, quelqu’un serait là, au moins à la fin, pour l’accompagner.
Mais personne ne vint.
Il se souvenait encore des visages qui avaient quitté sa vie, un par un, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que lui-même, luttant, accroché à sa propre existence comme on se cramponne au bord d'une falaise.
Alors qu'il sentait son souffle se faire de plus en plus faible, une douce torpeur s'installa en lui.
Il était prêt à partir, d'une manière qu'il n'aurait jamais crue possible.
Tout devenait de plus en plus flou, et la fatigue prenait le dessus.
Il ferma les yeux une dernière fois, écoutant son propre cœur ralentir.
Les lumières froides de la chambre d’hôpital projetaient des reflets pâles sur le corps de Gabriel, étendu et immobile.
La lumière des machines dessinait des ombres sur son visage émacié, ses yeux clos, et sa poitrine qui se soulevait faiblement, en rythme avec le souffle artificiel des appareils qui l’entouraient.
Dans le silence pesant, le bip des machines semblait marteler le décompte implacable de ses derniers instants.
Une infirmière entra dans la chambre pour vérifier ses signes vitaux. Elle connaissait bien Gabriel, ce patient silencieux et solitaire qui luttait jour après jour, accroché à une force que peu de gens auraient soupçonnée.
Mais ce soir-là, il paraissait particulièrement fragile, comme s'il s’était déjà laissé glisser vers un autre monde, suspendu quelque part entre l'ici et l'ailleurs.
Elle observa le moniteur qui suivait les battements de son cœur : les lignes s’aplatissaient, les bips s'espaciaient.
« Monsieur Lefevre ? » murmura-t-elle en s’approchant, espérant une réaction, même infime.
Mais Gabriel ne bougea pas, ses lèvres légèrement entrouvertes, ses paupières frémissantes dans l'obscurité douce de la chambre.
L’infirmière sentit son cœur se serrer.
Elle appuya doucement sur le bouton d’appel pour alerter le médecin de garde, tout en posant une main légère sur l'épaule de Gabriel, comme pour lui offrir, dans ses derniers instants, un fragment de chaleur humaine.
Le médecin arriva en courant, accompagné d'une autre infirmière.
En un instant, ils étaient tous penchés autour de lui, scrutant le moniteur où la ligne des battements faiblissait, s'interrompant par intermittence.
« On perd son rythme cardiaque… préparez le défibrillateur. » ordonna le médecin, bien qu’il sût qu'il n’y avait plus grand espoir.
Ils tentèrent de le réanimer.
Les chocs électriques, les gestes rapides et précis, le silence entre les bips espacés.
Le personnel médical se concentrait, le visage tendu, refusant d’abandonner, refusant de voir la ligne se stabiliser en un signal droit et ininterrompu.
Mais à chaque tentative, le silence reprenait le dessus, et le cœur de Gabriel semblait déterminé à lâcher prise, résolu à quitter ce monde.
Finalement, après plusieurs minutes d’efforts, le médecin recula, échangeant un regard grave avec les infirmières autour de lui.
La ligne du moniteur restait désormais parfaitement droite, un silence assourdissant qui emplissait la pièce.
Une des infirmières posa une main légère sur le drap.
« Adieu, Gabriel. » et le couvrit doucement, en signe de respect, en silence.
Ils quittèrent la pièce un à un, laissant Gabriel dans un dernier moment de calme, son corps reposant dans la quiétude.
Mais quelque part, loin de cette chambre froide, son âme, elle, prenait déjà un nouveau départ.
Une sensation étrange s'insinua en lui, comme si le monde entier avait changé en un battement de cil.
Il inspira brusquement, un air vif, différent. Ses yeux s’ouvrirent sur une lumière douce, réchauffant la pièce d'une clarté familière mais inconnue.
La texture des draps sous ses doigts était différente, et son corps lui semblait plus léger, plus jeune.
Gabriel sentit son cœur battre furieusement, cette fois non pas d'épuisement, mais de confusion.
Il se leva, à sa surprise, étonnamment facilement du lit, et regarda son environnement.
Tout autour de lui semblait nouveau.
Il y avait un bureau encombré de livres, une affiche de film accrochée au mur, un sac de sport posé à côté de la porte.
Une chambre d’adolescent, quelque part, qui lui semblait pourtant étrangement intime, comme s'il avait passé des années ici.
Avant qu’il ne puisse comprendre ce qui venait de se passer, il entendit une voix douce, familière, l'appeler d'un ton impatient :
« Adam ! Descends, le petit-déjeuner est prêt ! »
Adam ? Son esprit s'embrouilla.
Qui était Adam ? Pourquoi cette voix féminine, chaleureuse, l’appelait-elle ainsi ?
Mais plus que tout, il réalisa quelque chose d’encore plus incroyable :
Il semblait qu’on l’appelait lui.
Elle l’appelait « Adam », mais d’une manière qui lui donnait l’impression d’être quelqu’un, d’être attendu, d’être aimé.
Alors désormais il s’appellerait Adam.
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